Notre courte amitié – compte

Cette histoire est triste, au moins pour moi. Elle se passa il y a bien longtemps, quand j’avais vingt et un ans. Je me la rappelle comme si c’était hier. Je me demande jusqu` à présent si on pouvait sauver cette vie , mais je ne trouve jamais de réponse satisfaisante pour moi. Pourquoi le destin est-il si cruel ? Pourquoi tout se termine-t-il si soudainement et si terriblement ? Pourquoi des bonnes personnes meurent-elles précocement ? Trouverai-je un jour une réponse à ces questions ? On dit que le temps guérit toute blessure, on dit que l’on peut toujours oublier , mais dans mon cas les blessures ne seffacent pas , elles ne s’effaceront jamais ; jusqu’à la fin de mes jours, elles resteront indélébiles comme des cicatrices. Je ne peux pas oublier. On n’oublie jamais ceux qu’on aime. L’amitié et l’amour les pleureront toujours.

Mais entrons dans le vif du sujet !

Nous nous connûmes en quatrième classe de l’école primaire. Il était mon meilleur camarade de classe. Il s’appelait Adam et venait d’une famille de médecins. Il était un garçon aux cheveux bouclés , très sage, très bien élevé et ne posait jamais de problème ni à ses parents ni à ses éducateurs. Dès son plus jeune âge, il manifestait certaines caractéristiques qui le distinguaient de ses camarades. Il aimait le sport, le mouvement et participait volontiers à des activités sportives et à des jeux en plein air. Il était positivement fou, plein d` énergie et toujours souriant. Nous passions notre temps à apprendre, à faire voler des cerfs-volants, à taper dans un ballon, à regarder de bons films et à faire tout ce que nous aimions faire ensemble. Nous étions comme des frères.

Au lycée, il tomba amoureux du basket. Le basket-ball devint une partie intégrante de sa vie, son amour et sa plus grande passion qu’il réalisait systématiquement grâce à son engagement, sa diligence et sa persévérance. En plus de ses études scolaires , il s’entraînait intensivement, son emploi du temps était toujours très chargé, mais il parvenait parfaitement à concilier ses devoirs et ses plaisirs. Son travail acharné et rigoureux lui permit de remporter, en collaboration avec son équipe junior, de nombreuses victoires et succès lors de divers concours et tournois. Malgré son jeune âge, il remporta de nombreuses médailles, coupes et diplômes lors de compétitions locales et régionales. J’étais plein d’admiration pour lui. J’admirais tout ce qu’il faisait avec le ballon , je le regardais comme un enfant qui regarde un dessin animé ou un conte de fée. À l’entraînement, j’essayais de faire ce qu’il faisait, mais je ne lui arrivais pas à la cheville. Personne ne doutait qu’un jour il soit un excellent basketteur.

Ses parents rêvaient qu’il devienne médecin , mais lui , il avait d’autres plans pour son futur – se tailler une place dans l’équipe nationale masculine de basketball.

Un jour, en nous promenant dans le centre – ville et en parlant de la carrière et de la vie de Michael Jordan, le meilleur joueur de l’histoire du basket américain, il me demanda :

  • Penses-tu que j’aie des chances de réussir ? Et si ça ne marchera pas ?

Dans le premier instant , je ne dis rien , je ne sus pas quoi lui répondre.

Je me rendis compte qu’il hésitait, qu’il n’était pas sûr de la décision à prendre, qu’il ne savait pas ce qui était le mieux pour lui, si ce qu’il envisageait lui apporterait de l’argent, de la satisfaction, la réalisation de ses projets et de ses rêves. Dans trois mois, l’examen du baccalauréat et après …… ? Varsovie ou Cracovie, la médecine selon le souhait de son père, chirurgien – dentiste connu, ou l’Académie d’éducation physique et de sport ……..???

Aprèsun long moment dhésitation, je lui répondis :

  • Laisse-toi guider par ton enthousiasme. Quand il n’est pas là, tout est médiocre, il n’y a pas pas de joie, ni de motivation.
  • Écoute ton cœur , il est ton seul guide – ajoutai-je.

On se dit ,, salut “ et on partit chacun de son côté . Le lendemain matin, on se retrouva normalement à l’école.

Les jours passaient et le bac s’approchait à grands pas.

Je repense souvent à ces années-là, à nos conversations communes et à ce que je dis à Adam lors de notre balade d’après-midi au centre – ville.

Jusqu’à aujourd’hui je suis tourmenté par les sentiments de culpabilité et de remords. Je me répète sans cesse : ,, Pourquoi ne lui ai – je pas dit d’écouter ses parents ?” , , pourquoi ne lui ai – je pas dit que la carrière sportive peut être de courte durée ?” , ,, aurait – il pris mon avis en considération ? ”, ,, m’aurait-il écouté ?”

Après avoir passé le bac nos chemins se séparèrent un peu. Nous habitions deux villes différentes, mais nous ne perdîmes jamais le contact. Nous nous rencontrions toujours à l’occasion des fêtes religieuses et pendant les vacances d’été. De temps en temps, nous préparions nos sacs et nous partions pour un week-end au bord de la mer . C’était l’une des rares folies que nous nous permettions. Trouver du temps pour ses plaisirs en tant qu’étudiant à temps plein n’était pas une chose aisée et exigeait une bonne organisation des devoirs à la fac . Moi , j’étudiais à Cracovie , Adam, lui, il choisit Varsovie , autant pour ses études que pour son sport préféré. Il ne pouvaitpas imaginer sa vie sans le basket.

Il disait souvent : “C’est plus qu’une passion. C’est vraiment un style de vie pour moi. Vraiment, pour moi tout tourne autour du basket”.

Il s` inscrivit dans un club de basketball varsovien pour être ensuite appelé en équipe nationale. Avec sa taille et sa puissance physique, il était considéré comme l’un des meilleurs buteurs de son équipe. Il jouait toujours au poste dattaquant, avait une grande classe technique et faisait tout avec le ballon. Selon ses entraîneurs son talent sortait de l’ordinaire.

Il joua dans deux matchs internationaux amicaux contre l’Autriche et la Slovaquie avec des résultats très satisfaisants pour notre pays.

Malheureusement, c’était son début et la fin à la fois. Malheureusement, c’était la fin de son aventure avec le sport qu` il aimait tant. C’était la fin de tout.

Une grave contusion au genou droit interrompit de manière inattendue la carrière d’Adam. Elle gâcha tout : rêves, projets de vie, chances de médailles, carrière sportive prometteuse, études universitaires à l’Académie d’éducation physique.

“L’enthésopathie rotulienne”. Ceux qui connaissent les blessures subies par les sportifs savent quelles sont les conséquences d’un tel diagnostic médical. Douleur, souffrance, opération chirurgicale compliquée et rééducation laborieuse. Des mois d’exercices, les premiers pas, le rangement des béquilles – tout cela pour rétablir le fonctionnement normal de l’articulation du genou, indispensable à l’accomplissement des activités quotidiennes de base.

Je le vis pour la dernière fois après sa deuxième opération. Il ne parlait pas trop, il était pâle et très souffrant. Puis, je ne le revis plus jamais. Le fait de ne pas pouvoir reprendre l’entraînement et donc la pratique de son sport favori eut un impact décisif sur la détérioration de l’état mental d’Adam. Selon les paroles touchantes de sa maman, il tomba dans la dépression. Il abandonna complètement ses études, il ne voulait pas commencer une thérapie psychologique, il se referma sur lui-même et ne voulait voir personne. Ses parents faisaient tout leur possible pour l’aider, mais en vain. Il rejetait toute aide qu’on lui apportait. Il devint nerveux, apathique, grossier, anxieux et inaccessible. Autant que je sache, chaque fois que quelqu’un essayait de s’approcher de lui et de lui parler, il répétait qu’il se soignerait lui-même et qu` il n’avait besoin de personne.

Le dimanche 12 mai au petit matin, il fut retrouvé mort dans sa chambre par sa maman.

Le jour de sa mort, j’étais chez moi. Je me préparais pour la session d’examens de juin. Mon père entra dans ma chambre, me prit par le bras et me dit :

  • Adam n’est plus avec nous, il est parti à la rencontre de Dieu.

Je courus au balcon, je regardai le ciel et je hurlai de toutes mes forces : “ NON’’.

Le lendemain après-midi, j’appris qu’Adam s’était donné la mort en ingérant une forte dose de somnifères et un verre de brandy. Il partit en silence, seul dans son lit, sans laisser un mot d’adieu à personne.

Je pense souvent à lui. Je crois profondément que là-haut , dans le ciel , il s’adonne tout le temps à sa discipline sportive préférée. J’espère aussi qu’un jour, nous nous verrons de nouveau.

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par Bernard Sławiński

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soyjuanma86

I'm a writer born in Argentina, but currently living in Poland. I work as an English and French teacher, translator and copywriter.

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